Monday, December 29, 2008

Musical Madhouse >>>>>







L’art musical est sans contredit celui de tous les arts qui fait naître les passions les plus étranges, les ambitions les plus saugrenues, je dirai même les monomanies le plus caractérisées. Parmi les malades enfermés dans les maisons de santé, ceux qui se croient Neptune ou Jupiter sont aisément reconnus pour monomanes ; mais il en est beaucoup d’autres, jouissant d’une entière liberté, dont les parents n’ont jamais songé à recourir pour eux aux soins de la science phrénologique, et dont la folie pourtant est évidente. La musique leur a détraqué le cerveau. Je m’abstiendrai de parler à ce sujet des hommes de lettres, qui écrivent, soit en vers, soit en prose, sur des questions de théorie musicale dont ils n’ont pas la connaissance la plus élémentaire, en employant des mots dont ils ne comprennent pas le sens ; qui se passionnent de sang-froid pour d’anciens maîtres dont ils n’ont jamais entendu une note; qui leur attribuent généreusement des idées mélodiques et expressives que ces maîtres n’ont jamais eues, puisque la mélodie et l’expression n’existaient pas à l’époque où ils vécurent ; qui admirent en bloc, et avec la même effusion de cœur, deux morceaux signés du même nom, dont l’un est beau en effet, quand l’autre est absurde ; qui disent et écrivent enfin ces étonnantes bouffonneries que pas un musicien ne peut entendre citer sans rire. C’est convenu, chacun a le droit de parler et d’écrire sur la musique; c’est un art banal et fait pour tout le monde ; la phrase est consacrée. Pourtant, entre nous, cet aphorisme pourrait bien être l’expression d’un préjugé. Si l’art musical est à la fois un art et une science; si, pour le posséder à fond, il faut des études complexes et assez longues ; si, pour ressentir les émotions qu’il procure, il faut avoir l’esprit cultivé et le sens de l’ouïe exercé ; si, pour juger de la valeur des œuvres musicales, il faut posséder en outre une mémoire meublée, afin de pouvoir établir des comparaisons, connaître enfin beaucoup de choses qu’on ignore nécessairement quand on ne les a pas apprises ; il est bien évident que les gens qui s’attribuent le droit de divaguer à propos de musique sans la savoir, et qui se garderaient pourtant d’émettre leur opinion sur l’architecture, sur la statuaire, ou tout autre art à eux étranger, sont dans le cas de monomanie. Ils se croient musiciens, comme les autres monomanes dont je parlais tout l’heure se croient Neptune ou Jupiter. Il n’y a pas la moindre différence.

Hector Berlioz, Les Grotesques de la musique, 1859

Bullet time effect >>>>>















"La pensée occidentale est viciée par son appétit de cohérence, son illusion de cohérence. Sur quelque notion qu'elle se porte, elle se met en position de frontal pour lancer sa lumière, sans se soucier des côtés ni surtout du derrière, qui ne sont pas dans son champ. Elle traite les notions comme privées d'épaisseur, ne considère que les avers. Or toutes notions sont à facettes, dont on ne voit qu'une à la fois. La pensée, qui procède de la vision, ne permet, comme celle-ci, d'atteindre des objets qu'un seul de leurs côtés qui leur fait face ; il lui faut, pour poursuivre son examen, tourner ; mais alors tout l'entour a son orientation changée, sans que, le plus souvent, s'en avis le penseur. La prise de la pensée est fragmentaire, ne peut être que fragmentaire, et c'est de quoi la pensée occidentale n'est pas assez consciente.

C'est par le même oubli des épaisseurs et du derrière que la pensée occidentale aspire à tout résoudre par l'univoque et qu'elle se trouve si mal à l'aise où soufflent à la fois le chaud et le froid. Qui est pourtant le lieu de toute chose, le chaud étant fait de froid et le froid de chaud. Il n'y aurait pas de lumière s'il n'y avait pas d'obscurité ; où il n'y a pas d'obscurité ne peut exister la lumière. Où il n'y a pas de pleur ne peut exister la joie. Où les pleurs faiblissent, la joie faiblit. C'est son défaut d'accomodation à cette constante double valence de toutes notions et c'est son entêtement à éliminer les envers qui mettent la pensée de l'occidental en même situation qu'une géométrie plane en regard des polyèdres."

Jean Dubuffet, in Asphyxiante culture 
(Asphyxiating culture)
Les Editions de Minuit, 1968

Sunday, December 28, 2008

A concert experience >>>>>















Noi futuristi abbiamo tutti profondamente amato e gustato le armonie dei grandi maestri. Beethoven e Wagner ci hanno squassato i nervi e il cuore per molti anni. Ora ne siamo sazi e godiamo molto più nel combinare idealmente dei rumori di tram, di motori a scoppio, di carrozze e di folle vocianti, che nel riudire, per esempio, l'Eroica o la Pastorale. Non possiamo vedere quell' enorme apparato di forze che rappresenta un' orchestra moderna senza provare la più profonda deliusione davanti ai suoi meschini risultati acustici. Conoscete voi spettacolo più ridicolo di venti uomini che s'accaniscono a raddoppiare il miagolìo di un violino ? Tutto ciò farà naturalmente strillare i musicomani e risveglierà forse l'atmosfera assonnata delle sale di concerti. Entriamo insieme, da futuristi, in uno di questi ospedali di suoni anemici. Ecco : la prima battuta vi reca subito all' orecchio la noia dela già udito e vi fa pregustare la noia della battuta che seguirà. Centelliniamo così, di battuta in battuta, due o tre qualità di noie schiette aspettando sempre la sensation straordinaria che non viene mai. Intanto si opera una miscela ripugnante formata dalla monotonia delle sensazioni e dalla cretinesca commozione religiosa degli ascoltatori buddisticamente ebbri di ripetere per la millesima volta la loro estasi più o meno snobbistica ed imparata. Via ! Usciamo, poiché non potremmo a lungo frenare in noi il desiderio di creare finalmente una nuova realtà musicale, con un ampia di ceffoni sonore, saltando a piè pari violini, pianoforti, contrabbassi ed organi gemebondi. Usciamo !

Luigi Russolo, in L'arte dei rumori 
(The art of noise)
Edizioni Futuriste di Poesia, 1916
> A translation is available here.

Monday, December 22, 2008

Manifesto thevsessions.com >>>>>


Sorting, selecting, arranging musical creation into tiers and separate drawers — a commonplace occupation.

Supplied with the official lexicon, we approach music as we'd enter a store divided into familiar departments ; we're quick to identify what we already like, and all the more ignore “suspicious” music — that which came from unknown places ; not our world, right?

Max Roach once said that, be it black, white, yellow, blue with pink dots, jazz, variety, or classical, all semantic distinctions are only elaborated to split, separate, and oppose musicians. They represent nothing, and point to nothing — but music.

Music doesn't mark its territory, it opens up and blossoms anywhere. Boundaries and order are of no concern.

Venturing out to discover terrae incognitae, our adice is: travel light, unencumbered by labels, genres, schools, obediences, and forget the clichés attached to this or that music. From then on, everybody is free to follow well-known paths, or go off the beaten tracks.

The V Sessions hopes to arouse emotions and reactions, lay a few surprises, share a taste for daring endeavors, and help you meet new artists, new styles, and new sounds.



















Ordonner, sélectionner, hiérarchiser la création musicale : activité banale.

Muni du vocabulaire officiel, on entre dans la musique comme dans les rayons d'un magasin familier ; on reconnait vite ce que l'on aime déjà, ignorant de plus belle la musique "suspecte" — celle venue d'ailleurs ; pas notre monde, n'est-ce pas ?

La musique ne marque pas son territoire, elle s'ouvre et ne demande qu'à proliférer. Les frontières et l'ordre lui importent peu.

Pour partir à la découverte de terrae incognitae, mieux vaut voyager léger : ne pas s'encombrer d'étiquettes, de genres, d'écoles, de chapelles, et oublier les clichés associés à telle ou telle musique. Chacun est libre ensuite de parcourir les chemins balisés ou de s'aventurer hors des sentiers battus.

The V Sessions espère ainsi susciter émotions et réactions, créer quelques surprises, partager son goût du risque et faire découvrir des artistes, des styles, des sons.